Le Mont Cindre et son ermitage

Notice historique

 

 

Pour les chroniqueurs et les historiens du siècle dernier, le Mont-Cindre fut de tout temps le lieu privilégié où plus d’un anachorète vint se réfugier, bien avant la fondation d’un ermitage. L’abbé Duplain rapporte la description d’un ermitage, écrite par St Eucher, évêque de Lyon entre 430 et 450 et semble persuadé que ces lignes sont destinées à l’ermitage du Mont- Cindre…

Des obscurs IX et X siècles, Bolo (1840) prétend que Charlemagne ,rentrant de Rome après son sacre, avait remarqué ce petit ermitage lors de son séjour à l’Abbaye de l’Ile Barbe (signalons tout de même que cette information se glisse dans l’œuvre romanesque Poliska ou la chaumière au mont d’or…).

La fondation officielle de l’Ermitage daterait de 1341. Le frère Jean Henri, religieux du monastère de l’Ile Barbe, aumônier du château de Sathonay, obtient du chapitre de Saint- Jean l’autorisation de se retirer au Mont-Cindre et d’y construire une récluserie. Il reçoit une aide financière d’Isabelle Allemand, nièce de Béatrix de Sathonay, il y ajoute une chapelle sous l’invocation de Marie Reine des Cieux. On ne retrouve pas de traces de ce premier ermitage, mais ce n’était sans doute qu’une construction sommaire, modifiée par les successeurs.

Les archives restent muettes sur les deux siècles qui suivent. Les ermites de cette période n’appartenaient, peut-être, à aucun ordre religieux et obtenaient verbalement le droit de s’installer au Mont-Cindre.

En1511, le frère Isaac reprend la récluserie qu’il place sous l’invocation de Notre Dame des Remèdes.

Plus d’un siècle s’écoule sans laisser de traces et nous retrouvons l’ermitage vacant vers le milieu du XVII°.

Mais les paroissiens ne l’entendent pas ainsi : n’oublions pas que Notre Dame des Remèdes était « sollicitée » aussi bien pour la pluie que pour le beau temps, pour de bonnes vendanges ou pour protéger les enfants de la petite vérole (variole). Et très humblement chacun pensait que la prière de l’ermite – qui n’avait que ça à faire – était des plus efficaces… C’est pourquoi, le 11 juillet 1650, les habitants de Saint-Cyr adressent une requête au Chapitre de St Jean réclamant un prêtre pour la paroisse et l’ermitage (Archives du Rhône).

C’est le frère François de l’institut de St-Jean-Baptiste qui assure cette fonction. Le chapitre autorise les paroissiens du voisinage à venir entendre la messe dans la chapelle même de l’ermitage.

En 1654, le chapitre choisit comme ermite un homme dynamique, le Frère Jean-Jacques Fourque qui cache sous ce nom son identité royale : il est le fils naturel d’Henri IV, sa sœur Jeanne Baptiste de Bourbon est abbesse à Fontevrault.

Le frère Jean-Jacques restaure l’ermitage et la chapelle et demande au Seigneur mansionnaire du château de Saint-Cyr, Gaspard de Fodras de Cotenson, d’établir une charte dans laquelle les droits et les devoirs du curé de Saint-Cyr et de l’ermite seraient précisés. L’ermitage relève de la juridiction du curé de Saint-Cyr qui seul peut y permettre une fonction curiale.

Le frère Jean-Jacques reste sept ans au Mont-Cindre.

Le 11 juillet 1661, Pierre Marcequiot, prêtre-ermite de Sault en Provence, s’établit au Mont- Cindre ; la même permission est accordée à Pierre Bernard Gravier.Il y a donc deux ermites au Mont Cindre .

Le 27 juillet 1683, Louis de Guivre, prêtre natif de Saint-Lô, prend l’habit d’ermite, c’est-à-dire « froc de bure, capuchon, énorme chapelet à la ceinture, croix pectorale ». Comme les anciens anachorètes du désert, le port de la longue barbe est obligatoire.

Puis le frère Louis Daguerre s’installe avec le frère Jean Bocchard de l’Ordre de Saint- François. Celui-ci meurt à l’âge de 43 ans le 19 septembre 1676. Sur sa pierre tombale visible encore sous le porche de la chapelle on peut lire :

YCI GIT JEAN BOCCHARD
QUI NE VESCUT PAS ASSEZ TARD POUR RETABLIR CET HERMITAGE

En 1702, s’installe le frère Philibert, puis en 1706 c’est le frère Philippe Raffin de l’ordre de Saint-Antoine, mais rien ne prouve que son affection à l’ermitage du Mont-Cindre soit effective. Frère Antoine Congre, Cordeliers, ne laisse que son nom.

Vers 1740, le frère François est nommé par le curé de Saint-Cyr alors que le frère Pierre Chazelle du Tiers-Ordre de Saint-François est nommé par les chanoines de Saint-Jean. Si certains ermites apprécient la présence d’un confrère, ce n’est pas le cas de nos deux religieux qui règlent à coups de bâton leur différend sur la répartition des aumônes !

La mort du curé de Saint-Cyr en 1751 met fin à la guerre des ermites que les chanoines remplacent par le frère Claude.

En 1763, l’ermite se nomme Antoine Conchet.

Le 4 juin 1766, le Seigneur mansionnaire de Saint-Cyr donne la fonction de garde-chapelle à Etienne Magdinier avec l’ordre d’y mener une vie exemplaire et d’assister le curé Ranchon à l’église de Saint-Cyr. On nomme ensuite comme ermite Benoît Lamure, puis en 1784 Pierre Chapulin, Pierre Blanchet et Van Houtegem.

En 1791, les biens du clergé sont vendus aux enchères à un dénommé Néri Burel pour la somme de 340 livres. L’ermitage fut complètement pillé, sauf les vêtements sacerdotaux récupérés par le curé Ranchon. Mais en l’an VIII, la commune rachète l’ermitage grâce à une vente aux enchères des récoltes de noix de la commune.Les bons paroissiens qui participèrent à cette récolte de fonds ont leurs noms enregistrés dans les archives de la mairie.  On installe un gardien dans l’ancienne récluserie avec un costume semi-religieux – ce qui est un attrait supplémentaire pour le Mont-Cindre – la chapelle est appelée Notre-Dame de la Montagne.

Sous la Restauration, l’administration diocésaine tient à rappeler l’origine religieuse de cette chapelle et de son ermitage. Le 11 juillet 1820, M. Bochard, vicaire général, consacre la chapelle sous le vocable actuel de « Notre Dame de Tout pouvoir » en présence d’une foule considérable.

L’ermite est alors Pierre Grataloup, fils d’un tailleur de pierres de Saint-Cyr, il agrandit le jardin et creuse une grotte. Il est remplacé en 1824 par M. Desmarre jusqu’en 1835.

Pendant quarante ans de 1835 à 1875, le frère Morizot consacre sa vie à l’ermitage en contemplant la nature ou en dormant sur un rocher. Autrefois, les ermites vendaient aux visiteurs du vin et des victuailles. Frère Alexandre Morizot a supprimé ce petit commerce. Est-ce pour les convenances ou simplement parce que le jardin et les vignes de l’ermitage produisent peu. Et puis frère Morizot prétend que « l’eau de la source est trop crue et qu’elle est nuisible à sa santé » ; il doit donc conserver son vin pour les offices ! En résumé, « Cest un ermite partisan de la dolce farniente » disait le baron Raverat. Le frère Morizot meurt en 1875.

L’ermitage reste vide pendant deux ans. Ce n’est pas le manque de candidats, mais au contraire le choix d’un véritable ermite qui est en cause.

Enfin, le 1er avril 1878,  Emile Damidot s’installe au Mont-Cindre. La succession est lourde : les bâtiments sont délabrés, le jardin en friche. Mais  Emile Damidot dit frère François est armé d’une foi à toute épreuve et d’un courage plein de passion qui l’aident à restaurer entièrement l’ermitage. Il déblaie, maçonne, jardine du matin au soir.Sur l’emplacement d’un chemin de croix menant à un calvaire  au-dessus de la carrière,Il construit un jardin de rocailles pierre par pierre avec des bassins, des chapelles, des grottes miniatures, des crèches naïves et une quantité de statues. C’est un peu « le facteur Cheval » du Mont- Cindre. Il meurt devant sa chapelle à l’automne 1910.

Ce fut le dernier ermite religieux  permanent de l’ermitage du  Mont-Cindre.

L’ermitage reste vide pendant la première guerre mondiale et même quelques années après. Il faut attendre le chanoine Aubrun pour voir de nouveau la chapelle s’ouvrir pour le pèlerinage annuel du Lundi de Pentecôte. Puis régulièrement chaque dimanche le sacristain Philippe Chanas reçoit les pieux visiteurs et distribue (ou vend) médailles et autres souvenirs…

Vers 1936  il y a un ermite civil , mais portant une soutane comme un abbé ; il aidera les paroissiens à installer la nouvelle cloche . Originaire d’Afrique du Nord il repart pour Oran à la déclaration de la guerre .

Monsieur le curé Dessalles prend la suite du chanoine Aubrun et perpétue les pèlerinages du lundi de Pentecôte où les fidèles arrivent par cars entiers.

En 1952, le maire Pierre Dumont fait agrandir l’esplanade de la chapelle. Son ami Louis Touchagues, artiste peintre né à Saint-Cyr et déjà très renommé à Paris, décore le porche et l’abside de la chapelle.

Une fraternité d’hommes, ouvriers et employés de la SNCF et de l’EDF, se chargent d’ouvrir la chapelle le dimanche. La cloche appelle les fidèles pour le chapelet de 16 heures.

Puis l’association des amis de Notre-Dame de Tout Pouvoir anime avec dévouement la chapelle et la visite des jardins jusqu’au décès du Monsieur André Chambon en 1993.

L’association Louis Touchagues  et  l’association LE MONT CINDRE et SON ERMITAGE   se partagent l’animation et la responsabilité des visites  de la chapelle et des jardins .

Sur le rocher creusé par le frère Grataloup, Frère François construit en 1878 un belvédère de 12 mètres de haut.

Cinq chapelles avec clochetons et vitraux, des centaines de niches et oratoires entourent cet édifice.

Sa technique : sur une armature en fer, du mortier pétri à la main soude les cailloux ramassés le long des chemins; il apporte à ses constructions toute la finesse que mettrait un couturier à une robe , lui qui fut tailleur d’habits  vers Besanson , avant de faire de la dentelle de béton armé !

Le jardin de rocailles est planté de fleurs et de plantes odorantes : mélisse, romarin, lavande, … Protégé des vents, le jardin est luxuriant, à tel point que des racines déstabilisent les constructions.

Dans l’attente d’un classement par les Monuments Historiques et d’une restauration, l’accès aux jardins est limité pour des raisons de sécurité.

En 1952, Touchagues renonce aux tourbillons de la vie parisienne et mondaine dont il est le peintre fétiche pour se consacrer à une œuvre de piété : les fresques de la Chapelle de l’ermitage du Mont-Cindre, à Saint-Cyr-au-Mont-d’Or (Rhône). Il peint ces murs en hommage à son père, peintre en bâtiment et par fidélité à son village natal où des amitiés sincères le ramènent chaque année.

Sous le dôme du porche, dont le bleu ressemble à tous les bleus des églises de campagne, Touchagues a orchestré une symphonie des saisons et des travaux des champs.

A droite, les femmes et à gauche les hommes, tels des santons célébrant la gloire de « Notre-Dame de Tout Pouvoir » en médaillon au dessus de la porte.

Les personnages sont du terroir : habitants de Saint-Cyr ou amis lyonnais. Leurs portraits peints à fresque mêlent pigments et mortier frais dans une palette de chromes et de bleus éclatants, s’inscrivent dans un décor champêtre cher au peintre.

Un pointillisme fondu décliné en teintes plus sourdes donne aux fonds et plus particulièrement à l’horizon, une douceur chaleureuse. « Il faut subir le grain du mur, la complaisance fugitive du mortier dans laquelle la couleur est fixée » confie l’artiste.

On retrouve la griffe du « peintre de la joie de vivre » dans les arabesques et les ondulations de la flore des Monts d’Or, dans le geste gracieux des femmes ou celui plus fier des paysans. Tous regardent le visage de la Vierge pour un « hommage des saisons à Notre- Dame de tout pouvoir » ; C’est ainsi que Louis Touchagues a baptisé la fresque du porche.

Il avait travaillé pour la postérité mais les intempéries, le tourbillon des feuilles et des poussières contre les murs endommagèrent très vite les fresques, malgré une première restauration en 1979.

En 1998, l’association Louis Touchagues prend l’initiative de la restauration des fresques du porche par Florence Cremer, en partenariat avec la Mairie de Saint-Cyr-au-Mont-d’Or, le Conseil Général du Rhône et le Lions Club de Lyon-Monts d’Or.

En 1952, à la même époque, Louis Touchagues peint à fresque « le Couronnement de la Vierge » au dessus de l’autel. Grâce au partenariat fidèle du Lions Club de Lyon-Mont-d’Or, cette fresque est restaurée durant l’été 2002.

Marie-Chantal Pralus